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Ici la Terre
Etrange ce titre d’exposition pour un artiste qui n’a eu de cesse de peindre l’urbain, les intérieurs, les figures.
Certes, il a parfois pris de la hauteur, notamment avec ses survols nocturnes de New York, Paris, Los Angeles, Berlin, Houston.
On pouvait se douter qu’il aurait envie d’aller encore plus haut. Il y a 3 ans, j’écrivais à propos du travail de Claude-Max Lochu :
« Nous basculons, nous perdons nos repères, nous nous laissons emporter par ce voyage dans l’atmosphère, nous nous abandonnons au-dessus des tours,
en nous demandant si nous redescendrons un jour… » Prémonitoire sans doute, car aujourd’hui il a tout bonnement décollé dans l’espace.
Pas uniquement par envie, mais surtout par besoin. Un besoin impérieux de montrer à quel point notre planète est belle, fragile, lumineuse ;
un besoin de la défendre aussi, de la protéger, de prendre sa place dans les voix qui s’élèvent pour rappeler l’urgence de la préserver,
d’arrêter les gaspillages destructeurs.
Claude-Max Lochu a poussé son idée jusqu’au bout en représentant la terre sur des objets destinés à la poubelle : skate board, valise cartonnée, CD !
La liste pourrait encore s’allonger et la série des planètes ne jamais s’arrêter. Car la Terre n’est jamais exactement la même.
L’artiste joue à merveille avec le blanc lacté des masses nuageuses glissant sans entrave sur les océans. Les volutes se meuvent,
les nuances colorées se multiplient dans des camaïeux d’ocre, de bleu, de gris.
La répétition du thème sur plusieurs supports accentue la sensation de mouvement pour nous dire qu’elle est encore bien vivante et puissante.
Si la thématique planétaire occupe une partie importante de l’exposition, elle laisse aussi la place aux autres thèmes de prédilection de l’artiste.
Les paysages ont été choisis en fonction de leur lien colorimétrique avec la vision de la planète depuis l’espace.
Ainsi, les paysages d’hiver et plus particulièrement de neige créent un bel écho avec les œuvres représentant la Terre.
Impossible aussi de se priver de quelques lieux mythiques - le Kino Babylon, l’Empire State, le quartier de Dumbo
- ou de signes symboliques chers à l’artiste tels les panneaux de signalisation ou les citernes d’eau sur les toits de New York.
Riche, engagée, inspirante, la peinture de Claude-Max Lochu nous invite une nouvelle fois à prendre le temps de regarder notre monde, de près comme de loin.
Frédérique Paumier-Moch 7 mars 2018
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LA POESIE DES APPARENCES
Claude-Max Lochu est un peintre, au sens noble du terme, doté d’un savoir-faire sans faille et
surtout animé du désir parfois dévorant de mettre sur toile les contradictions de notre époque
au travers du filtre de ses propres ressentis. Il peut tout peindre, mais il est avant tout un grand
poète, capable de magnifier en une œuvre le coup d’œil d’un court instant dans cet
environnement urbain sans aucune frontière qui constitue son territoire de recherche. Il peut
aussi pérenniser le paysage d’un intérieur, bric- à- brac ou pile de vieux livres de poche, nous
entrainant dans un instant d’émerveillement ou de nostalgie. Et puis, bien d’autres sujets ou
plutôt de prétextes à ce documentariste du quotidien à nous délivrer des messages très forts de
ses certitudes et de ses doutes parfois frappés d’un coin de regret sur son, donc sur notre
environnement contemporain.
Par-dessus les toits bien souvent, ou dans les entrailles d’une ville la nuit, ou les images de
l’enfance dans les représentations de Mickey, autant de petites anecdotes ou de grandes
allusions à la vanité des temps. Et puis, ce délicieux amas d’Art containers, cuisine montrant
de petits pots de « poudre de fée » parfois désactivée, ou emplis de toutes sortes de sensations
à fleur de peau. C’est sans doute là le premier étage d’appréhension de la fusée Lochu, au
premier degré pourrait-on dire.
Et puis, le regard se laisse facilement entrainer dans le charme tout visuel de cette peinture,
quelquefois très architecturée, parfois d’une simplicité biblique, avec toujours ce petit
déhanchement latéral qui est la marque du peintre, et qui ajoute un peu plus de poésie à un
sujet déjà porteur de sensation. Et l’on est passé de l’autre coté du miroir qu’est le tableau,
sans même nous en rendre compte. C’est là la grande force et la grande réussite de l’art de
Claude-Max Lochu, celle de saisir dans ses compositions tous les détails en traits, en
couleurs, en lumières, en surprise aussi, et de nous amener à nous contempler nous-mêmes
dans nos propres visions du monde dans lequel nous évoluons.
Cet hommage, nous avons voulu le rendre à un peintre attachant, qui est sans doute un des
très grands talents de notre époque, pour qui sait regarder un tableau au-delà de sa simple
apparence.
André Liatard Conservateur du Musée Faure Aix les Bains
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PEINDRE LE PRÉSENT
Peindre le présent, c’est peindre un moment, plus ou moins long,
du monde tel qu’il est mais qui va s’estompant, s’effaçant, c’est apporter
un témoignage sur un monde qui disparaît car, à peine sèche, la peinture
représente un monde qui, déjà, n’est plus.
Pour reproduire le monde tel qu’il est, il y a, me direz-vous, le déclic
de la photographie. Mais celle-ci ne montre jamais que la triste réalité, telle
qu’elle est, et sur laquelle on ne s’arrête qu’un instant.
Pour l’accentuer, la magnifier, la transformer en un moment
mémorable du réel, elle a besoin non pas de l’artifice de la retouche, mais
des infinies nuances de la palette. C’est-à-dire des outils que le peintre sait
manier, avec habileté et de façon personnelle.
Le regard du peintre, sans être passivement contemplatif, contemple
le monde. Il fait bouger la vie, entraîne la personne qui observe le tableau
à voir le paysage, champêtre ou urbain, les objets, boîtes éphémères
ou bibelots désuets, qui existent en réalité, à travers la fenêtre de son
imagination ; le tableau devient la réalité même, non plus celle qui existe
mais celle, transformée par l’œil du peintre, qui est représentée.
Le momentané, cet arrêt prolongé sur image, de la peinture de Claude-
Max Lochu, puisque c’est de lui qu’il s’agit, possède une dimension, une
profondeur qui l’entraîne vers l’intemporel, absent de la photo qui lui sert
parfois de repérage.
Lochu peint le présent dans ce qu’il a de plus banal, de plus
quotidien : la tasse de café, le rideau de la chambre au lever du jour,
les objets, rangés ou en désordre, qui attendent sagement que le regard
s’éloigne pour vivre leur vie propre, inconnue ; la rue, matin et soir,
et même la nuit, quand tous les chats sont gris mais que leurs yeux
perçoivent, à travers le brouillard et les néons, l’ombre de mystérieux
personnages transparents qui dansent et virevoltent autour « des totems, des
géants lumineux » du peintre : les gratte-ciel.
Mais le présent de Lochu n’est pas un présent figé, un présent de
l’instant, de photomaton. C’est un présent qui s’accumule, qui a déjà
un passé, une histoire ; un présent qui passe et se dirige vers l’avenir.
En témoignent ces images de la « nostalgie », non pas regret du pays
d’enfance, comme le voudrait l’étymologie du mot, mais mélancolie face
à un présent qui fut autrefois présent, mais qui est déjà passé, comme le
présent d’aujourd’hui sera le passé de demain.
Pour transcrire ce présent contemporain, résolument moderne, fait
de matières synthétiques, de plastique, de verre, d’acier, d’enseignes
lumineuses, de couleurs crues et de panneaux publicitaires hâtivement
rédigés en « globish » (mais dont sa subjectivité subversive détourne
subtilement le sens), Lochu ne cherche pas à fixer l’apparence immédiate
de la réalité, ni à la décorer, à l’enjoliver, à l’embellir, à la maquiller, à la
peinturlurer. Il observe, à travers le prisme de son imaginaire, de sa rêverie,
de son délire inventif parfois, une réalité autre qui devient la réalité même,
celle de l’art.
Pour ce faire, Lochu ne cède pas à la tentation d’utiliser des
techniques et des matériaux sophistiqués, de reproduire l’éphémère par
l’éphémère, de rendre périssable ce qui est déjà, en soi, périssable. Il
emploie une technique classique, la peinture à l’huile, qui lui permet
de sublimer la représentation du présent pour lui donner, par les aplats,
les touches, les nuances, les reflets, une qualité comparable à celle des
tableaux de la Renaissance qui montraient le présent d’un autre temps,
entre ancien et nouveau, avec l’invention de la perspective, la recherche
d’une idéalisation figurative de la réalité.
Un tableau de Lochu, où la surface des choses raconte le fond des
choses, est connaissance du passé de la peinture, mais aussi ébauche d’un
sens porteur d’avenir. C’est à la fois une recherche esthétique — et les
hommages, sinon les influences, plus discrètes, sont là pour montrer cette
filiation —et la description d’une époque, celle dans laquelle le peintre vit,
lutte et crée sans en être prisonnier, sans vouloir l’imiter jusque dans ses
excès clinquants et criards.
Les formes — d’une insipide géométrie — des constructions
humaines, qui fixent, figent, pétrifient la vie, retrouvent vigueur et liberté
sous le pinceau coloré de Lochu pour aller rejoindre le paysage naturel
qu’elles ont remplacé, détruit.
Elles retournent ainsi aux origines, à la pureté primitive des courbes
de la création du sculpteur du temps, du modeleur de toutes choses que la
seule ligne droite ne saurait satisfaire. Lochu libère de cette forêt de béton,
de verre et d’acier ce que les hommes déshumanisent, bien malgré eux, par
trop de lignes horizontales, verticales, qui enferment le vivant. Il en fait
des lianes sensibles qui se faufilent et vont chercher, toujours plus haut,
toujours plus loin, la lumière, le ciel, le paradis.
De ses voyages au long cours Lochu ramène toujours les mêmes
croquis du quotidien, mais teintés d’un exotisme si familier qu’il rapproche
de nous ce qui est lointain au lieu de l’éloigner.
Ce n’est pas sans raison que le peintre a choisi de se mesurer aux
villes-mondes des États-Unis d’Amérique, à ce fouillis qu’il réorganise
pour lui redonner une forme porteuse de sens, parvenant à transformer
la rumeur qui monte de l’enchevêtrement chaotique de la « modernité »
en une harmonie colorée qui est comme la musique douce d’un jour de
fête. Mais il aborde aux rivages du Nouveau Monde chargé de la richesse
culturelle d’un peintre du vieux continent. Loin des errements en avant vers
des impasses décoratives, en arrière vers des chemins trop empruntés aux
ornières profondes et où le talent finit par caler ; ses tâtonnements d’artiste
sont ceux d’un découvreur. « Requinqué », comme il le dit lui-même, par
le dynamisme des mégalopoles, il avance désormais d’un pas plus sûr,
parce qu’il n’a jamais renié le bagage primordial du peintre réaliste, celui
que Cézanne transportait avec lui dans son attirail portatif de pleinairiste :
la tradition, le dessin, l’harmonie des couleurs et la perspective, la divine
perspective, revue et corrigée par le regard qui peint.
Bruno Smolarz
Paris, octobre 2011
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UN PEINTRE VOYAGEUR
Claude-Max LOCHU est un voyageur, un de ces pionniers partis à la conquête du far-
west. Son far-west est immense; il n'arrête pas de s'étendre à mesure qu'il avance, à
cheval sur son stock de cadres entoilés et armé de ses seuls pinceaux. On a pu suivre sa
trace sur les toits: sur les toits de Paris ou sur ceux de New-York et de bien d'autres villes
encore, au dessus des routes et des autoroutes. De jour comme de nuit. La nuit ne l'arrête
pas, au contraire il prend plaisir à y débusquer les lumières et les couleurs, dans des
symphonies de réverbères, de néons et autres publicités lumineuses. Il ne s'attarde nulle
part, pour lui l'important est d'avancer. Plongé un temps dans le trou de l'opéra Bastille,
côtoyant des nuits entières de monstrueuses machines, il en est émergé pour traquer
des échouages de vieilles mécaniques, des Peugeot à bout de souf?e, des tub Citroën
décatis, des Fiat, des Renault et même des Studebaker, aux quatre coins des routes et
au-delà, là-bas dans ce vrai far-west qu'il affectionne tant. Il en a recueilli les derniers
soupirs, les derniers crissements de tôle sur la toile. Sur les routes, il a chippé aux
pancartes, aux panneaux émaillés ou aux réclames délavées leurs musiques colorées. Ah,
les vieilles tôles... Et s'il s'arrête un instant, c'est pour poursuivre son chemin dans un
autre imaginaire, celui des livres, cette jungle des bouquins de poche aux titres porteurs
de voyages aux issues aléatoires. - “Les plus beaux voyages mènent au bout de la rue...”
chantent les Frères Jacques... “Dans les pays sauvages, la rue est sans issue”... Puis des
livres il passe aux objets auxquels il fait vivre une seconde vie, lui qui dans son jeune
temps s'est frotté à l'animation des marionnettes. Dans l'espace de ses toiles, Claude-Max
LOCHU raconte à sa façon tous ces voyages, selon sa propre géométrie et sa poétique
chromatique: les lignes droites se courbent et les couleurs chatoient. Quelle tendresse
pour le bleu turquoise si souvent au rendez-vous et tous ces ocres chauds et ces violets,
et ces bleus profonds... encore les bleus! Que d'horizons toujours ouverts! Ce n'est pas le
but qui est la ?nalité du voyage, c'est bien le voyage lui-même.
Jean-René BOUVRET
Besançon, novembre 2010
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LES MAUX DE LA VILLE
Le mot sort de la page, du slogan, des panneaux, se frayant un passage
dans l’espace pictural de Claude Max Lochu. Nous assistons aux
épousailles de la lettre et de l’image. Le peintre recrée le réel.
Dans la roseur du soir, la tête nous tourne. Les panneaux émiettent leurs
appels – vocables, syllabes, paroles, promesses mensongères de la
ville, you can change, l’attrait du lieu Mystery Train désigne le leurre.
Sur fond d’absence, les mots bercent la douleur de la ville.
Où est l’homme ? Vacance mutique.
Il a laissé la trace de son corps dans les tee-shirts se balançant sur un
fil. Tendresse.
Dans l’extrême urbain de Claude Max Lochu, seuls les mots ont de la
place. La lettre est là comme empreinte de l’homme.
Dans une ronde vertigineuse, les néons, soleils de la nuit, surgissent de
l’ombre, devant, derrière, à côté, vers l’explosion finale.
Les mots tracent leur route aussi sûrs que la flèche vers sa cible. Dans
le flux et le reflux des voitures, la ville ressasse ses phrases raturées,
ses appels saturés.
La route siffle dans le noir, elle claque comme le fouet et regroupe le
troupeau obscur. Slam pictural.
Les panneaux emportent la logorrhée furieuse de la ville, ses nuits, ses
fracas et ses tracas. Cerfs-volants urbains, ils s’envolent avec les
oiseaux dont on ignore la migration. Toute direction est abolie,
l’espérance aussi.
Claude Max Lochu développe le thème qui lui est cher l’urbanité. Le
peintre saisit au vol les mémoires gravées et il les projette. Le choral
inaudible de la ville bat sourdement. Le texte, comme une musique,
squatte la toile.
Les thèmes se bousculent, l’artiste protéiforme, ne les réfrène pas.
Tapi au cœur de Claude Max, l’enfant sans cesse s’étonne et
s’émerveille. Né près de Sochaux, le peintre se souvient et poétise la
voiture, le garage de son père, ses cabanes dans les arbres, son théâtre
de marionnettes, l’ambiance des matchs, l’ambiance de la nuit.
L’ivresse picturale métamorphose l’instant où tout se dilate, les ponts et
les routes basculent.
L’artiste s’entoure de héros. Picasso, Rodin, Wenders – un passionné
d’urbanité- Andy Warhol, Jimmy Hendrix, Basquiat, Banksy et le Street
Art, Mickey. Au fond de l’atelier, ils lui murmurent leurs délires.
L’écriture lumineuse de l’artiste repousse l’anecdote, les objets racontent
une histoire sacrée, une histoire d’amour, « Love Concept ». L’humble
canette écrasée par les voitures devient icône et même triptyque. Les
cartons abandonnés dans la rue deviennent universels, jeux de cubes de
tous les pays.
Puis peu à peu Claude Max Lochu abandonne l’image pour le signe, il
crée le logo, affectionne les lignes du W et du Y, « car la lettre et le mot
humanisent la ville » dit-il. La ville est dure mais nécessaire, pour
résoudre ce paradoxe, il utilise l’humour. Pour lui, le titre est capital, il fait
partie de l’œuvre, narratif et poétique à la fois.
Lors de son dernier séjour à Brooklyn à New York en janvier 2011, le
peintre quitte la calligraphie pour la cartographie. Le pinceau vrille sur la
perspective bouchée, la facture s’intensifie. Le mouvement est lié aux
sujets.
Malgré son goût immodéré pour l’huile, l’artiste constate une résurgence
du papier, de l’encre et du fusain.
Claude Max Lochu dresse un portrait complexe de la mégalopole à
travers des natures mortes de mots.
Rêveur, il désarme.
Les noces du texte et de l’image tissent du sens entre la poétique de
l’espace public et la poétique de son intimité de peintre.
Annick Chantrel Leluc
juillet 2011 à Maisons-Laffitte
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L’art de la fugue
Quelle fut ma première toile de Claude-Max Lochu ? Je n’ai pas de souvenir précis.
Beaucoup l’ont été, et c’est sa faute : à chaque fois c’était la surprise.
Ses formats, d’abord, et leur étonnante diversité. Certains s’en tiennent à un
ou deux. Lui, il les prend tous et les explore, les exploite, retrouve et adapte
le génie de chacun, grands et petits, de zéro à cent-vingt. Il a dressé des
marines dans le sens de la hauteur pour y mettre des palmiers, des cabines
de téléphone, des nus. Parfois il en joue, il tord le sujet pour le faire entrer, il
le cintre, il l’ampute, bouts de table, de salon, de bar, de fauteuil, de guitare,
ou bien il le bascule, piano, cheval de bois, il entasse et il empile en un
capharnaüm d’objets improbables et pourtant en sympathie.
Surprises. On croyait avoir tout vu, mais lui avait déjà changé de place,
presque de vie. Combien a-t-il de vies ? Il était reparti sur le motif, du Luberon
à l’Italie, de l’Allemagne à l’Amérique, des toits de Paris à ceux de New York.
Il a même poussé jusqu’au Japon, à la découverte d’une autre science du
pinceau, pour chercher auprès d’un maître de l’encre comment saisir ces
moments si précis et définitifs du moment unique et du mouvement vital.
Il y a un Claude-Max Lochu des ocres alanguissants du Midi et de la Toscane,
un autre pour des natures dites mortes et qui ne le sont plus, pour des
corbeilles de fruits aux livrées rutilantes, un autre pour les vieux immeubles
parisiens qui penchent et pour leurs toits qui dansent comme des vagues
de la mer, pour les lumières de la ville, les néons des cafés. Les plantes
exubérantes du Museum aussi ont eu leur moment de gloire. Je me suis
souvent perdu entre la jungle des rues et celle des philodendrons, ces années-
là, au point de ne plus trop savoir si j’étais dedans ou dehors, chez lui ou
ailleurs, et de ne plus m’y retrouver pour rentrer chez moi.
Il est encore des voyages plus conséquents, et tout aussi étourdissants. A
Manhattan ou à la Défense, les lumières dessinent des eldorados lointains, des
rivières de highways rouges ou or, ou bien sourdent du bas, de rues profondes
comme des gouffres ; on croit deviner une forge, là-dessous, au pied des
gratte-ciels. Des lueurs pâles, ou rouges, ou bleues, lèchent des facades
vertigineuses. Des halos se forment sur les phares et les néons, comme si
on était nous-mêmes là, au volant, voiture parmi les voitures, et qu’il pleut.
Des avenues serpentent, se chevauchent, se contorsionnent, copulent,
encombrées ou presque désertes : bruit confus du trafic, rumore de la ville et
rumeur des gens.
Et puis c’est le jour : la clarté vient du haut et la rue retourne dans l’ombre
jusqu’à ce que, au détour de la promenade céleste arrive une avenue vaste et
vide comme une piste d’aéroport pour nous offrir un apaisant silence, et on
se dit que Claude a dû se trouver par là un dimanche matin, de bonne heure,
attiré par la transparence de l’air.
Invraisemblable mais vrai. Et soudain nous vient l’impression qu’on ne les
avait jamais vraiment vues avant, ces villes qu’on croyait familières ; on
en était sûr, pourtant. En fait, elles vivaient leur vie sans nous en parler,
grouillantes ou nues selon l’heure mais indifférentes, avec leurs voitures
bondissantes et leurs mosaïques de fenêtres éclairées chez autant d’inconnus
que nous sommes maintenant seuls à connaître. Ces villes n’avaient parlé qu’à
lui, elles sont sa montagne Sainte-Victoire.
En contrepoint de ces panoramas, l’angle se resserre sur de menus objets
dont la vie s’est figée, groupés selon leur appartenance, en famille, comme
pour les consoler : boîtes de bouillon, de chocolat, de biscuits, vieux livres
de poche. Si le format s’y prête, il en montre de plus gros : cabanes dans les
arbres, voitures, souvent mortes ou mourantes, répudiées, abandonnées en
plein champ, loin des routes. On sent qu’il s’en amuse, mais la désolation n’est
pas absente non plus.
Il a amassé aussi des enseignes qui s’imbriquent, se masquent, se piétinent et
se castagnent sur des toits, des bords de route, des entrées d’immeuble. La
plupart proposent des étrangetés, des noms inconnus ou sans importance :
hôtels, restaurants, parkings, panneaux routiers, tout un monde qui lui est
étranger mais dont il observe la profusion et le désordre avec la stupéfaction
d’un enfant. Pied de nez aux installateurs contemporains ? Ce serait amusant,
et pas si absurde : il voue autant de dévotion à ses maîtres que de légèreté à
l’endroit de ceux qui en manquent.
Ambiguïté, étonnement, dérision, intuition, humour, bascule des sens : Claude
propose des voies bien à lui pour fuguer derrière le décor. Il a plus d’un talent
dans son sac, et son sac est très profond…
Hubert Delahaye
à Paris, le 21 octobre 2009
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Art is everywhere.
Avec un regard amusé et un humour parfois caustique sur notre société, Claude-Max Lochu souligne à quel point nous sommes devenus dépendants des images qui nous sont imposées. A coup de publicité, de conseils avisés, de panneaux lumineux et autre communication digitale, nous sommes 24h/24h branchés sous la perfusion de la consommation… à moins que nos sens artistiques et esthétiques soient malicieusement titillés par des approches décalées, amusantes et sans concession.
En première ligne de ses attaques, Claude-Max Lochu place les excès de l’abondance de nourriture dans nos pays occidentaux : un grand totem de boîtes de « biscuits d’amour » s’érige en colonne d’honneur du plaisir obligatoire; des glaces internetophiles flottent dans le cyberespace ; le tourbillon crémeux d’un cappuccino est un appel à une délectation sans répit. On est en pleine ambiance pop, kitch, voir psychédélique.
Furieux d’avoir hurlé avec les loups à la gloire du « toujours plus », Claude-Max Lochu écrabouille symboliquement les marques emblématiques de nos vies quotidiennes : canette de Coca et paquets de cigarettes jetés sur les trottoirs, aplatis par le passage répété des roues de voiture, portent en eux malgré tout une vraie dimension esthétique. Il faut simplement prendre le temps de les observer un peu, autrement, en dehors du contexte des linéaires maîtrisés, rangés, optimisés.
La mode est épinglée dans le même esprit. Chaussures et T-shirts se font porte-parole de revendications loufoques. Etalages, amoncellements, détournements de revendications bien pensantes, la pyramide promotionnelle s’effondre sous les assauts virulents de la peinture. A tous ces clichés, s’ajoute celui des wonderwomen et supermen. On ne les voit que très rarement dans les tableaux car ils se sont mués en rayons lumineux. Ils transpercent les fenêtres et les parois de verre de leurs bureaux trop étriqués et s’abîment en contre-plongée au pied de leurs prisons dorées.
Et comme si cela ne suffisait pas, Claude-Max Lochu invente sa propre signalétique pour nous guider. Panneaux, affiches, emballages nous indiquent la direction à suivre : celle de l’art bien sûr, qui se trouve partout, à condition de bien vouloir suivre des chemins inexplorés.
Frédérique Paumier-Moch
5 avril 2011
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Quand la peinture devient magie incantatoire
Sur les lèvres phosphorescentes des panneaux publicitaires qui se tordent, magiquement rendues à la vie par le pinceau du peintre, ce sont des cris prophétiques qui s’affichent, fruits de l’agonie d’un monde en passe d’enfanter un univers chimérique où l’humour, force de création, reprend ses droits et où le mot retrouve sa dimension magique et incantatoire.
Art is what you need... Call me art... No art maybe soon...
Car les graphistes, les designers d’aujourd’hui n’ont retenu de la poésie que sa force de suggestion et l’ont jetée en pâture à Mammôn. Exit la puissance cathartique du Verbe !
Voilà pourquoi les signes graphiques, les aphorismes publicitaires prennent une place obsédante chez Claude Max Lochu, créant des rimes visuelles au sein de son oeuvre. Sans doute parce que ces formules, sont d’inestimables mamtram et qu’il est du devoir de l’artiste de les ravir au publicitaire (qui lui même les a dérobés au prêtre) pour les rendre à leur fonction première : l’élévation de l’âme hors des contingences des sens.
Franck Gardian
Carrières, le 17/09/09
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Sur les toiles de Claude-Max Lochu, c'est bien la paix retrouvée que l'on peut découvrir, quand, à force d'avoir été tordus, froissés , étirés par le peintre, les sujets ont enfin exhalé leur essence , à l’instar du Café de Théo, dont les deux joyaux d’amertume, au fond de leur tasse de porcelaine brune, sont enchâssés dans les pourpres de la table, invitant le passant en quête de repos à venir poser ses lèvres et s’emplir de la douce liqueur du quotidien. Chaque tableau est une invitation à quitter la frénésie contemporaine pour venir se poser et ouvrir grand les sens.
Les couvertures surannées des livres de poches que Claude- Max exhume avec la patience d’un archéologue des brocantes paumées de patelins du bout du monde ; les restes des devantures en toc des boutiques à touristes de Tahiti Beach transformés en péristyles antiques ; les vitres du Bar de l’hôtel Sube laissant filtrer une lumière d’ivoire dans des intérieurs de luxe, de calme et de volupté où les cuirs courbes luisent comme des ustensiles de cuivre ; les façades miroitantes des gratte-ciel de Broadway et de Wall street... sont autant de portes que l’on souhaiterait pousser pour se goinfrer des légendes que continue à enfanter le monde moderne.
Si les romans, les journaux, les partitions peuplent les oeuvres du peintre ce n’est pas seulement parce qu’il souhaite ressusciter le temps perdu mais peut-être surtout parce que ses toiles rivalisent de mystère et d’inventivité pour nous raconter des histoires.
Franck Gardian, atelier de Claude- Max Lochu, 3 avril 2008
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